
La mort d'un personnage pose un double problème, technique et scénaristique. Techniquement parlant, il faut prendre le temps (souvent conséquent) de créer un nouveau personnage. Au niveau du scénario, il faut non seulement intégrer de manière plausible un nouveau personnage à l'équipe (qui parfois se trouve loin de toute zone civilisée) mais aussi assurer la continuité de tous les fils scénaristiques liés au personnage qui a trouvé la mort.
Pour ces raisons, de nombreux maîtres de jeu s'arrangent tout simplement pour ne jamais provoquer la mort des personnages interprétés par les joueurs. Les maîtres de jeu, en conteurs purs, s'assurent ainsi la maîtrise de tous les protagonistes principaux de leur scénario. Ce n'est pas par hasard que la plupart des systèmes basés sur des univers fantastiques proposent divers moyens magiques pour revenir d'entre les morts.
Cette solution d'immunité, pour évidente qu'elle soit, peut cependant nuire au plaisir de jeu de nombreux joueurs, qui se retrouvent ainsi privés du plaisir de réussir par leurs propres moyens, sans être "assistés" ou "protégés" des conséquences de leurs erreurs.
Alors, s'il est vrai qu'à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, où placer le péril pour des personnages fictifs que le conteur lui-même aurait tendance à protéger pour le bien de son scénario? Voici quelques pistes à destination des maîtres de jeu confrontés à ce problème.
Il y a plus à perdre que la vie :
Les possessions matérielles (demeure, objets à forte valeur affective ou objets magiques, et.) et les relations sociales (famille, amis, contacts dans une guilde, etc.) représentent des attaches importantes pour un personnage. Même si un maître de jeu prend le parti de ne jamais confronter les personnages joueurs à des dangers mortels, il peut se servir de ces attaches pour maintenir un niveau de tension constant sur ses joueurs. Une rencontre qui aboutit à la capture du groupe peut se conclure par la perte d'un ou plusieurs objets importants aux yeux des joueurs. Même si le groupe parvient (forcément) à s'échapper par la suite, l'un des objets, ou un proche également capturé et retenu en captivité ailleurs, aura pu être déplacé vers une destination inconnue, vendu à un autre clan, ou plus simplement perdu ou dévoré. L'échec ne signifie pas la mort, mais est suffisamment dissuasif pour que les joueurs prennent leur rôle au sérieux.
La mort laisse des traces :
Qu'il soit sauvé in extremis par le maître de jeu, ou ramené de la mort par la magie ou un autre procédé, un personnage qui a frôlé la mort peut garder des traces de cette expérience traumatisante. Dans la plupart des jeux de rôle, c'est l'expérience qui sert à pénaliser la mort : le personnage perd un montant d'expérience proportionnel à son niveau. Pour ne pas créer un cercle vicieux (plus un personnage meurt, plus il s'affaiblit, et plus il est susceptible de mourir de nouveau) j'encourage un maître de jeu qui voudrait utiliser cette solution à prévoir un moyen de faire récupérer tout ou partie de cette expérience perdue. Par exemple, le personnage pénalisé pourrait récupérer son expérience perdue après une ou deux semaines de repos.
Plutôt que de réduire l'expérience d'un personnage, le maître de jeu peut utiliser des éléments qui participeront bien mieux à l'immersion des joueurs : une blessure grave qui risque de s'ouvrir de nouveau si le personnage n'y prend garde, un léger boitement qui n'empêche pas le personnage de courir mais lui donne une démarche remarquable, la décoloration d'une partie des cheveux ou une cicatrice au visage, une phobie relative à ce qui a manqué de tuer le personnage, quelque affection ou altération magique en rapport avec l'origine de la blessure ayant achevé le personnage (appétit insatiable pour qui a été mordu par une goule, sensation de froid permanente pour qui a été touché par une attaque magique élémentaire, etc.) Aucun de ces éléments n'est forcé d'avoir le moindre impact sur les valeurs chiffrées de la feuille du personnage. Ils deviennent simplement de nouveaux éléments à disposition du maître de jeu, qui pourra les utiliser quand il le jugera opportun (ou... inopportun). Une table aléatoire d'effets plus ou moins gênants peut être éventuellement établie en collaboration avec les joueurs. Quoi qu'il en soit, cette solution ne devrait être appliquée que si elle est bien acceptée par les joueurs. Certains joueurs y verront une formidable occasion d'enrichir leur interprétation tandis que d'autres se plaindront que leur personnage ne leur appartient plus. Un joueur devrait également pouvoir proposer de lui même la séquelle qu'il gardera, de façon à s'assurer que la jouer ne lui posera pas de soucis d'interprétation.
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